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INTERVIEW |
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- Pour commencer, peux-tu nous dire
comment t'es venue la passion pour le metal et surtout pour le
metal français ?
C'est une bien "vielle" histoire... qui remonte à quelque chose
comme 1971. Je découvrais alors simultanément le Hard international
et le Rock progressif français et international (Alice Cooper,
Deep Purple, Black Sabbath, Ange,...). Tout en écoutant aussi
bien d'autres choses, j'ai immédiatement accroché sur ces deux
styles et me suis surtout axé dessus au fil des années. Cette
passion s'est développée en faveur des groupes français grâce
aux concerts locaux que j'allais voir de manière assez soutenue
dès le milieu des années 70.
- Avant de lancer Brennus tu étais animateur
d'une radio locale. racontes-nous...
En effet, c'est même par là que les choses on réellement débuté.
Après avoir développé mes "connaissances" en matière de Rock et
Hard français pendant les années 70. J'ai commencé à faire de
la radio sur les antennes "pirates" de la région parisienne dès
1979 - 1980 : "Radio Ivre" et "Carbone 14" principalement. Puis
je suis parti en (proche) province en 1983 et ai collaboré à plusieurs
radios "libres" dans l'Oise, la Seine et Marne et enfin dans l'Yonne.
Nous y avons ensuite créé, avec quelques amis, notre propre radio
(qui existe toujours, et sur laquelle le groupe KOROBOREE anime
une émission hebdomadaire) j'ai ensuite rejoint Radio Stolliahc
à Sens chez qui j'anime une émission depuis 1990.
- Dans quels circonstances est né le
label Brennus ?
Je recevais, en tant qu'animateur radio, de nombreuses démos et
quelques albums auto produits dans un domaine musical qui était
alors "pestiféré" : le Hard Rock mélodique ; du simple fait de
leur style musical "hors mode", ces productions, parfois excellentes,
n'avaient alors aucune chance d'arriver sur la platine d'un plus
large public. C'est ainsi qu'en 1994, je me suis lancé le défit
de créer mon propre label pour promouvoir, avec des moyens certes
assez faibles et artisanaux, cette musique et ses acteurs qui
me tenait tant à cœur.
- Pourquoi ce nom ?
C'est en fait un double clin d'œil à mes régions d'origine et
d'adoption : BRENNUS fait référence au rugby "bouclier de Brennus"
qui est principalement un sport du Sud Ouest (dont je suis originaire).
BRENNUS était aussi le nom du chef de la tribu gauloise des Senones
(région de Sens dans l'Yonne, où je vis maintenant) qui est allé
conquérir Rome et qui, lors de sa victoire, y a prononcé la phrase
"Vae victis" (d'ou le nom des compilations du label). Je trouvais
par ailleurs que ce nom était très intéressant car court, sans
aucune difficulté de prononciation dans quelque pays que ce soit
et surtout... un gaulois qui part à la conquête d'autres territoires,
c'est un peu ce que fait BRENNUS aux XXème et XXIème siècles.
- Quels sont les 1er groupes que tu
as signé ?
En fait, le premier qui a été signé était ANYWAY, un groupe de
Dijon que j'avais fait jouer dans un festival que j'organisais
alors chaque année dans la région ; mais le premier qui est sorti
a été le 1er Chris SAVOUREY (lui aussi installé dans l'Yonne à
l'époque). Il y a ainsi eu une sortie en 1994, deux ou trois en
1995 et je suis maintenant arrivé à une vitesse de croisière d'une
dizaine à une douzaine d'albums par an (y compris quelques rééditions).
- Peux-tu nous parler des problèmes
que tu rencontres pour faire rééditer certains albums de metal
français des années 80 ? Je pense notamment aux albums "Les violons
de Satan" de High Power, du dernier Warning etc...dont certains
fans (comme moi) les attendent avec beaucoup d'impatience ...
Il y a souvent deux cas de figure en ce qui concerne
les rééditions. Ceux produits par les groupes eux mêmes et ceux
qui l'avaient été par des producteurs ou maisons de disques. Pour
les premiers, il n'y a pas de problèmes de droits, les groupes
en sont les détenteurs mais par contre, les bandes ont très souvent
disparu avec les années. Nous sommes donc obligés de rechercher
plusieurs exemplaires "neufs" du LP afin d'en tirer un master
(après décliquage) et de faire remasteriser le tout. Pour les
autres, les bandes sont assez souvent dans les "caves" des maisons
de disques mais par contre ces dernières ne sont pas décidées
à nous revendre les droits d'exploitation... ou bien à des tarifs
totalement exorbitants. Il peut également arriver qu'un producteur
accepte de nous vendre les droits mais ne soit pas en mesure de
nous fournir le matériel (ce qui s'est passé avec les deux NIGHTMARE
et le 1er DEMON EYES), nous recherchons alors un terrain d'entente
pour finaliser ces rééditions. Dans le cas du second HIGH POWER,
le problème est encore plus profond ; le producteur en veut une
fortune, les bandes sont entièrement à remixer et bien entendu
à remasteriser et le groupe s'oppose, à juste titre, à sa réédition
avec le mixage du LP. Donc je crains que cette petite perle, en
termes de composition, du Hard Rock français ne sorte jamais en
CD.
- As-tu des prévisions de rééditions
pour l'avenir ?
Sont presque bouclées, après une multitude de problèmes pour l'un
comme pour l'autre, le 2ème DEMON EYES "Garde À Vue" et
le 3ème ATTENTAT ROCK "Strike".
- Quels sont les critères ou les exigences
qu'il faut pour qu'un groupe ai une chance de signer sur ton label
?
Les critères évoluent au fil des années mais avec toujours deux
grands axes : qualité des compositions et de leur interprétation
(même si, avec le recul, je suis obligé de constater quelques
petites erreurs de jugements dans mes signatures passées) et relations
humaines. Il est clair que bossant depuis huit ans bénévolement
pour tous les groupes que j'ai signé, je n'ai pas envie d'avoir
à faire à des ingrats qui se prennent pour des stars et attendent
tout d'un label ; Il y en a bien eu quelques uns mais il ont été
assez rares. Si ils sont des stars (dans leurs têtes) qu'ils aillent
se faire signer sur une major, ou tout au moins tenter de se faire
signer...
- Brennus a la réputation de donner
une chance aux groupes pour se faire connaître. C'est pas un peu
frustrant de les voir partir sur un autre label ? Car après tout,
tu es le premier à les avoir signé...
A vrai dire, il y a toujours (ou tout au moins, souvent) une petite
part de frustration lorsqu'un groupe passe "ailleurs" pour la
suite de sa carrière mais je n'ai pas l'habitude de me prendre
pour ce que je ne suis pas et si un groupe à l'opportunité de
décrocher un deal qui est sensé lui assurer une meilleure diffusion
que ce que peut proposer BRENNUS, je suis le premier à lui dire
"fonce" ! C'est en même temps une sorte de reconnaissance de mon
travail de "découvreur" que de savoir que nombre des groupes français
actuellement signés chez NTS, Z Records (Angleterre), MTM (Allemagne),
Lion Music (Finlande), Napalm Records (Autriche), Metal Blade
(Allemagne), XIII Bis, Naïve, Wagram, ... ont sorti leur premier
album chez BRENNUS.
- A ma connaissance il n'y a que Killers
qui est fidèle à Brennus, comment l'expliques-tu ?
Il y a parfois des choses qui ne s'expliquent pas. Je pense que
la confiance qui règne entre KILLERS et BRENNUS depuis 1997 que
nous bossons ensemble n'a fait que s'accroître au fil du temps...
ajouter à cela les tempéraments très directs de Bruno et de moi
même... ceci explique sans doute cela.
- Quelle est ta façon de travailler
avec un groupe une fois qu'ils ont signés ?
Il n'y a pas de manière figée de travailler. Si les grandes lignes
sont les mêmes, beaucoup de choses peuvent différer en fonction
de l'accueil de l'album par les médias ou des disponibilités et
de la volonté d'aller de l'avant de la part de chaque groupe.
Il est clair qu'un groupe qui s'endort sur ses laurier une fois
l'album dans les bacs ne recevra pas de ma part le même engagement
en matière de temps et d'énergie que celui qui n'aura de cesse
que de faire parler de lui via concerts, interviews, émissions
de radio, etc... Distribuer un disque "hors mode" n'est pas une
chose aisée mais quand le groupe s'en fout royalement, c'est encore
plus difficile. La seule chose dont je ne m'occupe (pratiquement)
pas, c'est la partie recherche de concerts pour les groupes. Non
que cela ne m'intéresse pas mais plutôt que c'est un autre métier
qui nécessite d'autres connaissances et beaucoup de temps (ce
dont j'avoue ne pas spécialement disposer aujourd'hui).
- La politique de certains labels est
de faire beaucoup de promo. Brennus en fait moins. Est-ce pour
ça que tes cd sont moins cher ?
Il est clair que tous les coûts entrant en ligne de compte dans
le calcul du prix de vente, de moindres frais de publicité engendrent
en partie un prix de vente plus raisonnable ; mais c'est également
de manière délibérée que je "surveille" mes prix afin que les
disques de groupes peu ou pas encore connus ne soient pas vendus
au tarif souvent exorbitant qui est pratiqué sur les albums d'artistes
de renom. Le disque est de toute façon trop cher en France.
- Peux-tu nous parler de toutes les
étapes et les difficultés que doit passer un groupe avant de voir
son cd dans les bacs ?
Là encore, les étapes ne sont pas toujours les mêmes pour tous
les groupes. Lorsque tout se passe pour le mieux, un groupe, avec
qui BRENNUS est en contrat, qui vient de finir la production de
son album me fournit le master et les éléments graphiques du livret
et de la jaquette (parfois entièrement réalisés par nos soins,
parfois par les leurs) et le processus de fabrication ne prend
alors qu'une quinzaine de jours avant de déposer la galette dans
nos lecteurs gourmands puis de la commercialiser... ...mais quand
cela se passe mal (c'est heureusement extrêmement rare) comme
pour le tout récent album de PHENIX, cela peut atteindre des délais
particulièrement alarmants... plus de deux mois dans le cas présent
(et deux pressages refusés). Ensuite, il faut quelques jours pour
le faire référencer dans les différentes bases de données des
chaînes de magasins françaises puis un mois environ à nos représentants
pour faire le tour de tous leurs clients avant que le disque n'arrive
partout où les disquaires auront bien voulu "jouer le jeu".
- Comme tu le sais, il y a beaucoup
de piratage. Penses-tu que si la tva était moins élevée, il y
en aurait moins ?
Personnellement je le pense ; même si dans le cas précis de BRENNUS
et du style musical qu'il défend, le taux de piratage est sans
doute un des moins élevés. Dans un domaine musical comme celui
là, nous avons souvent à faire à des auditeurs passionnés, parfois
même un peu collectionneurs, qui préféreront très souvent l'original
à la copie.
- Peux-tu nous dire combien coûte en
moyenne un album et combien un groupe touche par cd ainsi que
les intermédiaires ?
Il y a un poste dont la variante est très grande, c'est celui
de la production en elle même. Le CD du groupe "X" va leur avoir
coûté 15 000 Euros en frais d'enregistrements alors que le groupe
"Y" l'aura réalisé dans le studio d'un amis qui ne les aura pas
(ou peu) fait payer. Les frais de pressages sont également différents
en fonction du nombre de pages et de couleurs du livret, de la
jaquette, de la sérigraphie du CD mais ils se situent entre 1,20
et 2,50 Euros par CD. Les frais de SACEM (pour les groupes qui
y sont inscrits) sont environ de 0,80 Euro par CD. On ne peut
donc pas parler en terme de montant pour chacun des ayants droits
mais en terme de pourcentage. Le groupe qui paye tout le CD (de
l'enregistrement à la fabrication) touche 60 % des recettes. Ce
qui lui permet généralement de couvrir ses frais d'enregistrement
(mais pas systématiquement). Le distributeur qui paye ses représentants,
son personnel de facturation et d'expédition, les loyers de ses
locaux de stockage et de bureau, les frais d'expédition vers les
disquaires, les frais de promotion, etc... touche 40 % des recettes.
Ce qui lui laisse, après déduction de tous ces frais, quelques
centimes d'Euro par CD vendu. Ces deux pourcentages, dans le cas
précis de BRENNUS sont calculés (pour la France) sur la base de
notre prix moyen de vente aux disquaires : 9,45 Euros. Le reste
du prix payé par "l'acheteur final" se partage entre les disquaires
et l'état (TVA).
- La scène metal en France a l'air de
se réveiller, à ton avis à quoi doit-on se phénomène ?
Je crois que les mentalités sont en train de changer et que le
public et les médias sont plus attentifs à la scène locale qu'il
y a quelques années. Le fait aussi que plusieurs groupes français
(souvent issus de BRENNUS) soient signés par des labels étrangers,
valorise aux yeux de tous la qualité du Metal made in France.
Je pense également que tout ce travail de fourmi que nous sommes
nombreux à effectuer dans de différents domaines (groupes, labels,
zines, radio, organisateurs de concerts,...), très souvent en
coordination et non en opposition entre "concurrents" finit par
porter ses fruits. Il reste toutefois encore pas mal de chemin
à parcourir.
- Que penses-tu d'internet ?
Très belle invention qui a ses bons côtés mais aussi ses pièges.
Je n'en retiendrai pour ma part que ses bons côtés, ceux qui m'ont
par exemple permis de dénicher des distributeurs pour BRENNUS
dans divers coins du globe, ou de voir des chroniques d'albums
des groupes du label "lisibles" par le monde entier et non par
les seuls lecteurs de tel ou tel magazine national ou fanzine
régional. Je reste pourtant très attaché à la presse dite "papier"
et lorsqu'un choix s'impose pour des raisons budgétaires, c'est
encore ce type de support que je privilégie aujourd'hui.
- Et pour finir, un mot pour mes lecteurs
?
J'espère tout simplement que tes lecteurs prendront autant de
plaisir à lire "Les Fils du Metal" que tu mets de passion à le
réaliser. Avec des types comme "Taranis", je sais pourquoi je
me défonce pour la scène française depuis de si nombreuses années.
Soutenez les groupes français, et leurs supports : labels indépendants
, fanzines, etc... !
Merci Alain, je ne dirai qu'une chose
"Alea jecta est"....
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