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INTERVIEW

- Le nom de votre groupe est SED LEX, je suppose que c’est du latin. N’ayant pas appris cette langue, pouvez-vous m’en donner la signification et pourquoi l’avoir choisi ?
JEAN-LUC : Ça vient du dicton « Dura Lex, Sed Lex », qui signifie « Dure est la loi, mais c'est la loi ». Et pour nous, la loi, c’est celle de la sueur et du travail. Ne pas se contenter de ce qu’on sait faire. Aller de l’avant, toujours. Dans un autre ordre d’idée, les groupes heavy ont toujours eu besoin de trouver des noms un peu énigmatiques pour compenser le faible support médiatique dont ils peuvent bénéficier. C’est une vieille tradition remontant à Status Quo, lesquels, déjà, utilisaient le latin…

BRUNO : De plus, d’un point de vue typographique, le S de « Sed » est très évocateur, il rend possible de multiples calligraphies.

- Votre album s’appelle « DE VIRIS ». Qu’est-ce que cela signifie ?
JEAN-LUC : Il s’agit des premiers mots que César a prononcé au Sénat en rentrant de campagne de Germanie, je crois… Durant son absence, il avait été attaqué de toutes part et se retrouvait politiquement affaibli. Il a donc pénétré dans l’enceinte avec ses généraux et les a présentés en disant simplement ces mots, qu’on peut traduire par « Des hommes ! ». Ça a subitement calmé les esprits…

- Pouvez-vous nous présenter les membres du groupe ?
BRUNO : Il y a Jean-Luc et moi aux guitares et au chant, ainsi que « Froggy » Faugier à la batterie, Jean-Marc Lafaye aux claviers et Philippe Barans à la basse.

- Racontez-nous votre histoire.
BRUNO : La première formation du groupe remonte à novembre 1998. A ce moment-là, ça faisait plus de deux ans que Jean-Luc et Froggy enregistraient des kilomètres de bandes dans leur cave, suite au split de Deep End, leur précédent groupe. De mon côté, j’avais dissous Fairy Tale pour cause de mobilité professionnelle et je venais de quitter Lyon pour m’installer à Valence. J’ai simplement répondu à une annonce qu’ils avaient affichée dans un magasin de musique. Jean-Marc également, d’ailleurs… A ce moment-là, j’étais le bassiste. En mars 99, Jean-Marc a dû s’éloigner pour un boulot en Corse et on ne l’a pas remplacé. On a continué en trio jusqu’à la fin de l’année, tout en sachant qu’on ne pourrait pas se contenter de cette formule…

JEAN-LUC : Nous commencions à jouer des choses un peu trop ambitieuses pour un trio métal… Ça manquait d’arrangements…

BRUNO : Heureusement, Jean-Marc est revenu en novembre et d’un coup, tout s’est mis en place assez vite… Nous avons tourné ainsi pendant plus de deux ans, mais après l’enregistrement de notre seconde maquette, on s’est dit : « qu’est-ce qui pourrait faire avancer ce groupe ? ». Conscients que chez nous l’aspect vocal n’était pas assez valorisé, nous avons tranché en embauchant Philippe à la basse, ce qui m’a permis de prendre la rythmique. Non seulement le son s’est étoffé, mais qui plus est, Jean-Luc et moi pouvons maintenant mieux nous exprimer vocalement, puisque nous nous partageons le boulot…

- Votre musique est assez difficile à classer. On y retrouve diverses influences telles que le métal et le prog’. Comment définiriez-vous votre musique ?
JEAN-LUC : Les deux courants que vous venez de citer me paraissent convenir, même si je ne peux m’empêcher de nous trouver moins prog’ que certains des groupes phares du genre… En tous cas, l’idée d’être affilié à ce courant est non seulement plaisante, mais qui plus est extrêmement flatteuse…

BRUNO : Plus que le côté progressif, nous cherchons avant tout à privilégier l'aspect mélodique de notre musique. Chez nous, sans mélodie, il n’y a pas de morceau. C’est ce qui tient l’ensemble. Et pourtant, nous n’avons rien à voir avec les groupes de speed mélodique…

JEAN-LUC : … Chez qui les mélodies tiennent souvent plus de la comptine pour enfants en bas âge… Mais cette histoire d’appartenance à un genre est un peu gonflante. J’ai l’impression que tout le monde oublie d’où nous venons ! Vous vous souvenez de ce vieux truc ?… Ça s’appelait « Rock’n’roll » et c’était fuckin’ hostile !…

- Sur le titre « Carrousel », il y a un medley de musique classique de toute beauté. Comment vous est venue l’idée de l’inclure ?
JEAN-LUC : Le classique et le métal, c’est une vieille tradition qui, depuis Deep Purple, puis plus tard Malmsteen, a donné naissance à un débat vaguement polémique… C’est comme ça. J’ai commencé à apprendre la musique à onze ans avec mon grand-père, qui était musicien classique. Les premiers morceaux de musique que j’ai écoutés dans ma vie étaient « La Moldau » de Smetana, « Dans les steppes de l’Asie Centrale » de Rimsky-Korsakov ou le « Peer Gynt » de Grieg. Désolé. Qui plus est, le premier groupe à m’avoir arraché la tête fut Deep Purple, vous comprenez aisément pourquoi… De fait, pour au moins trois d’entre nous, l’utilisation des inflexions classiques est quelque chose de totalement naturel, même si nous sommes des fans absolus d’AC/DC !… Finalement, on ne s’est même pas posé la question : on savait le faire, on l’a fait et on a trouvé ça plutôt drôle. Ravi que ça vous plaise…

- Quelles sont les œuvres qui composent ce medley ?
JEAN-LUC : Sûrement dans le désordre, il y a « La danse du sabre », un clin d’œil aux Marches Turques, le « Boléro » de Ravel, « Le hall du roi de la montagne » de Grieg, plein de petites bricoles de Bach dont « La toccata », ainsi que « L’hymne à la joie » de Beethoven… J’espère que je n’oublie rien…

- Quels sont les groupes qui vous influencent ?
BRUNO : Bizarrement, beaucoup de vieilleries… On a toujours une oreille sur le « Metal Heart » ou le « Balls To The Wall » d’Accept : question mise en place, c’est une leçon !… Pour les concerts, on vient de reprendre le « Highway star » de Purple et on espère s’attaquer à « Burn » dans l’année, histoire de voir si on peut le faire sans trop de casse… En ce moment, j’écoute beaucoup UFO, allez savoir pourquoi… Peut-être parce que les choses récentes qui sortent ont un peu trop un goût de ressucé… C’est symptomatique de l’époque, ça… Quand on ne sait plus quoi faire, soit on s’oriente vers le minimalisme en devenant « extrême », soit on ré-exploite les vieux plans… Remarquez, n’importe qui peut dire ça aussi à notre sujet, hein… Le génie se fait rare, de nos jours…

JEAN-LUC : Deep Purple et Dream Theater sont les deux groupes qui font l’unanimité chez nous, même si nous ne sommes pas tous d’accord à propos du dernier Theater… Symphony X a également la côte, surtout parce que Russell Allen est tellement bon ! Parfois, il sonne comme Dio, c’est une vraie prouesse !… Maintenant, nous pourrions vous citer une cinquantaine de groupes ou d’artistes qui ont eu une véritable influence sur nous, toutes époques confondues. Mais quel intérêt ? Nous considérons le hard, le heavy, ou tout ce que vous voulez comme une entité globale qui est devenue notre raison de vivre. A partir du moment où c’est bien joué, où il y a un propos intelligent et où on peut sentir les tripes des mecs derrière, ça peut nous influencer. Le problème, aujourd’hui, c’est l’authenticité. Une bonne partie des pseudo-hardeux s’imagine qu’on peut apprendre à jouer heavy dans des écoles de musique à la con… Moralité : ils s’achètent un futal en cuir, tentent le coup dans un groupe de true-metal, et quand ils se sont bien ramassés, on les retrouve cachetoneurs derrière des chanteuses de karaoké… Sacrés rockers, par vrai ?… Ouais, vraiment, j’ai pas de honte à réécouter mes vieux Lizzy ou mes vieux Priest…

- De quoi parlent les chansons de votre album ?
BRUNO : Il y a principalement deux types de textes : ceux qui font appel à l’imaginaire par l’intermédiaire de vieilles légendes remises au goût du jour (« Eye of the moon », « Whispers in the air ») , et ceux qui font appel à des sentiments plus personnels, avec des points de vue sur l’isolement, l’ordre social, la place de l’individu, ce genre de chose (« Dog’s bite », « Fear of the dark »)… Sans qu’on l’ait décidé, j’écris plus souvent les premiers et Jean-Luc les seconds… Parfois, je pars d’une histoire de la première catégorie, et il en profite pour y intégrer ses coups de gueule ! Ça nous a donné « Dream of escape », par exemple…

JEAN-LUC : Jusqu’à présent, les thèmes absents chez nous sont les histoires d’amour et les histoires de cul… Les premières parce que nous sommes quelques uns dans le groupe que le romantisme insupporte au plus haut point et qu’on préfère laisser ça à un quelconque chanteur de variété interchangeable… Nous ne sommes pas contre les secondes, par contre… Mais il faudrait qu’on trouve le moyen d’écrire ça avec un modicum de classe, et honnêtement, c’est pas gagné !…

- Quelle est votre méthode pour composer une chanson ?
BRUNO : Là aussi, nous fonctionnons très différemment selon qui compose… Personnellement, je pars toujours d’une mélodie vocale, même s’il n’y a pas de texte, et je construis les parties instrumentales dessus. Je choisis ensuite le texte qui s’adapte le mieux à la mélodie initiale. Mais au fil du temps, le travail de composition est de moins en moins personnel. Lorsqu’on propose un plan aux autres, tout le monde rebondit dessus et tente d’apporter des choses. Parfois, l’idée de départ est entièrement remaniée en deux tentatives à peine et c’est un processus assez étonnant à observer…

JEAN-LUC : C’est surtout parce que notre travail s’appuie avant tout sur l’écoute. Jean-Marc ou moi procédons différemment de Bruno. Nous avons des plans instrumentaux que nous tentons de juxtaposer de manière à obtenir quelque chose de mélodiquement cohérent. A la suite de quoi les grilles d’accords vont figurer une ambiance, un feeling. Le texte viendra de là… Contrairement au travail de Bruno, je ne peux pas utiliser mes textes en toute circonstance. Il faut que le ton donné par la musique corresponde à l’humeur. Maintenant, il est vrai que les titres ne sont achevés que lorsque tout le monde a donné son avis ou a essayé quelque chose dessus. Si ça marche, la personne est créditée. Sinon, elle n’est mentionnée que pour les arrangements généraux et l’interprétation instrumentale. C’est un processus assez démocratique, finalement. Car composer n’est pas un phénomène naturel. Tout le monde ne peut pas le faire.

- Vous avez joué au festival de Mâcon en compagnie d’Indochine et de Dolly. Sacré challenge, non ?
BRUNO : Un vrai coup de poker, en effet ! Quand on nous a proposé cette date, notre premier réflexe a été de dire non… Qu’est-ce qu’on allait foutre sur une affiche pareille ? Ce n’était pas notre univers, pas notre public, on allait se faire jeter !… Et puis finalement, on s’est dit : « Est-ce qu’on a les couilles d’assumer un truc comme ça ? ». Finalement, on n’a pas regretté ! Ce n’est pas tous les jours qu’on peut jouer face à 6 000 personnes dans des conditions pareilles !

JEAN-LUC : On y est allé au culot. On a dit « on est Sed Lex et on fait ÇA ! ». Blam ! « Carrousel » dans la foulée. Et au bout du 3e morceau, 70 % des mecs tapaient dans leurs mains en remerciant leurs copines de les avoir traînés là, ah-ah ! L’équipe technique hallucinait : on a monté le backline et fait la balance en 25 minutes chrono, véridique ! Tout le monde est venu nous taper dans le dos au catering, sauf les autres groupes, évidemment…. Si ! Le batteur d’Indo a passé un long moment avec nous, mais il s’est fait virer depuis… Il était sans doute trop bon…

- Puisque l’on parle de concerts, quel est votre meilleur souvenir ainsi que le pire en live ?
BRUNO : Avec Sed Lex, Mâcon fait partie des excellents souvenirs. La Fête de la musique 2002 à Valence ont également été déterminantes. Sinon, dans le genre ignoble, il y a eu une date perdue au fin fond de l’Ardèche méridionale, avec la neige, le froid, la totale… Jean-Luc était malade comme un chien et comble de bonheur, il y avait six personnes dans le public… Dont quatre étaient de la famille de Jean-Marc !… Grand moment…de solitude!

JEAN-LUC : En toute honnêteté, ce groupe ne s’est jamais retrouvé à la rue en live… Simplement, il y a eu des moments durs, soit parce que le public n’était pas là, soit parce que nous avons eu affaire à des organisations techniques lamentables... Mais une fois sur les planches, personne n’a jamais eu à se plaindre de nos prestations. Il y a toujours eu quelqu’un pour venir nous dire qu’il avait passé un bon moment….

- Quels sont les projets du groupe pour les prochains mois ?
BRUNO : Tourner reste la priorité. Promouvoir cet album est essentiel pour nous et nous ne pouvons le faire que d’une seule manière : par la scène. Les dates pour l’été commencent à se confirmer. Elles seront toutes sur notre site pour ceux que cela intéresse… Nous allons sans doute également commencer à enregistrer quelques uns des nouveaux titres, histoire de prendre un peu d’avance pour le prochain album, voir si les arrangements tiennent la route…

- Que pensez-vous d’Internet ?
BRUNO : A l'époque de voltaire la censure existait bel et bien. Maintenant noyées dans la masse les informations sont aussi censurées non parce qu'elles ne peuvent exister mais parce qu'elles sont trop nombreuses. Mais la divulgation de ces mêmes informations va très vite, un mail, une réponse, des contacts. Le t'chat, sans en abuser, peut s'avérer très efficace. Un bouche à oreille en quelque sorte. Il est rapide et directe. Tu nous connais ?…non……tiens voilà notre site…qu'est ce que tu en penses…et les extraits …etc….

JEAN-LUC : Je suppose que chaque génération crée ses propres outils d’aliénation… Je ne peux m’empêcher d’avoir des avis très contradictoires sur la question. D’un côté, c’est un instrument tellement formidable qu’on ne peut que s’enthousiasmer d’un tel procédé. Mais au bout du compte, ça va changer quoi ? Je suppose que les concepteurs de cette chose doivent se sentir un peu effrayés par la tournure que prend leur création… C’est bien loin de ce qu’ils avaient imaginé et finalement, Internet, c’est déjà très surfait, non ?… Pour des gens comme nous, c’est super dans l’instant parce que c’est un moyen de promotion supplémentaire. Mais il faut pondérer tout ça. Parce qu’au bout du compte, trop d’information tue l’information. D’autant que c’est un instrument de flicage parfait ! Mais je ne veux pas trop m’étendre sur la question. Je ne connais pas suffisamment le sujet, de toute façon…

- Pouvez-vous nous donner votre avis sur les fichiers MP3 et les copies de CD ?
BRUNO : Notre manière de voir sur ce sujet je pense diffère quelque peu. Je suis pour les MP3 bien utilisé. En tout cas les extraits. Ils permettent de jauger en un clin d’œil de l'aspect musical du groupe. Si les gens en veulent plus …ça se négocie! …(rires). Et oui sur les sites il y a toujours des liens pour acheter les CD. Les logiciels " peer to peer " j'en profite un peu, retrouver des vieux morceaux plus jamais édités, des raretés & des vidéos, tout ça pirates…c'est un peu chiner. Un groupe comme Sed Lex peut être écouté à l'autre bout du monde sans jamais avoir été distribué dans le pays de ceux qui télécharge un de nos morceaux. Maintenant, il est vrai que je n'ai mis en ligne que deux morceaux…faut pas exagérer! Par contre je n'aime pas les copies de CD…ça fait pas propre parmi les originaux…!…(rires).

JEAN-LUC : … Comme quoi vous voyez qu’on peut jouer dans le même groupe, être amis et pourtant ne pas être d’accord du tout sur certains types de sujets… Je sais bien qu’il doit être extrêmement uncool de dire ça à l’attention des personnes qui vont nous lire ici, mais cette connerie de MP3, quelle fumisterie ! Dans l’absolu, toutes ces histoires de piratages ne me posaient pas trop de problèmes. Finalement, c’était de bonne guerre et puis voir des mecs encore capables de squeezer le système, c’est plutôt sain… L’ennui, aujourd’hui, c’est que ce n’est plus le système, qu’ils baisent… Parce que le Système, lui, il n’en a plus rien à foutre de se faire pirater. D’une manière générale, les grands groupes qui distribuent la musique dans le monde sont les mêmes qui fabriquent le matos destiné à la pirater. Que vous achetiez le CD ou que vous achetiez le bazar pour ne plus acheter le CD, de toute façon votre pognon va dans LEUR caisse… La différence, c’est qu’entre-temps, l’artiste, le concepteur, le géniteur sans lequel toute cette merde n’existe pas, et bien justement, il n’existe plus ! Parce qu’il ne touche plus rien. Que dalle. Nada. Idem pour le petit label ou le petit distributeur qui n’a pas de produit de substitution. Alors excusez du peu, mais je trouve l’histoire un peu raide, là… Même si je sais qu’au bout de compte, statistiques à l’appui, le phénomène reste embryonnaire. Jusqu’à présent, les gens qui chargent ne chargent pas tout et n’importe quoi… Ou alors ce sont de gros cons qui n’aiment pas la musique et se foutent de tout. Mais il est vrai que les grosses stars ont plus de mouron à se faire que nous. Jusqu’à quand ?… C’est bien l’enjeu…

- Et pour finir, un mot pour mes lecteurs ?
JEAN-LUC : Continuez à soutenir vos « local buddies » ! Les groupes comme nous ont de plus en plus besoin de vous ! En ces temps de guerres multiples, le business ne fait de cadeau à personne, et à nous encore moins qu’aux autres ! Pour les concepteurs médias star-académisés, nous sommes de la matière dispensable. Pire : des chiens. Ils ne se trompent qu’à moitié. Ecoutez « Dog’s bite » et vous pigerez. A vous tous, merci d’avance…

BRUNO : Merci à vous tous, sans vous nous ne sommes pas grand chose. Que les critiques soient abondantes, toutes les critiques !

 

Interview de Bruno James (guitare rythmique, chant) et de Jean-luc Maza (lead guitar, chant) du groupe français Sed Lex. Réalisée par mail en avril 2003 par Taranis.