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INTERVIEW |
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Wormfood, c'est un drôle
de nom pour un groupe, pourquoi ce choix ?
E.L. : Je vais tout d’abord
enfoncer une porte ouverte et dire qu’en tant que métaphore
désabusée de la condition humaine, ce nom de groupe
s’accorde bien avec certains aspects cyniques de notre démarche.
Mais, plus honnêtement, je dois avouer que « wormfood
» était le nom d’un répertoire sur un
site érotique russe qui diffusait des photographies de
jeunes mortes dans leur cercueil… ça m’a tout
de suite interpellé, et, avec la seule main libre qui me
restait, j’ai griffonné fébrilement ce mot
sur un bout de papier, avec la ferme intention de l’utiliser
comme nom de groupe.
Pouvez-vous vous présenter
?
E.L. : Wormfood est composé
de Romain Yacono (ex-Alien Christ) à la basse, de Timmy
Zecevic aux claviers, d’Alexis Damien (One, Badjada, Folschweiler
Trio, Dune) à la batterie et à la programmation,
et de votre serviteur (ex-Outward Ceremony), à la guitare,
au chant et à la programmation. Les rôles sont bien
répartis : je tente d’imposer mon autorité,
Alexis endosse un rôle d’opposition, Romain subit
avec patience les foudres de chacun, et Timmy n’a rien à
dire, puisqu’il est le dernier arrivé. Autour de
ce noyau gravitent encore diverses personnalités hautes
en couleur, comme notre fantastique ingénieur du son, Guillaume
Pille (ex-Livevil, association Non Conforme), qui a enregistré
notre démo et ce premier album, ou encore l’artiste
rouennais Youri Gralak (www.manieres.fr.st),
qui commet nos photographies lorsqu’il ne manipule pas des
animaux morts.
Racontez-nous votre histoire...
E.L. : J’ai fondé Wormfood
avec Romain à la fin de l’année 2000, après
les splits de nos anciens groupes, Outward Ceremony et Alien Christ.
A l’origine, nous travaillions avec une boîte à
rythme; nous avons donc composé quelques morceaux et enregistré
notre première démo cinq titres en mai 2001. Nous
avons été rejoints dans la foulée par le
batteur Alexis Damien, qui a donné un second souffle rythmique
à notre musique. Nous avons alors travaillé consciencieusement
pendant un an, en explorant au maximum les possibilités
offertes par la M.A.O., avant d’enregistrer ce 10 titres
en juillet 2002. Les diverses démarches de duplication,
mastering, artwork et administration ont repoussé la sortie
du cd à février 2003. Entre temps, nous avons adopté
Timmy au clavier, dans la perspective des concerts et d’une
évolution encore plus mélodique de nos compositions.
A l'intérieur du cd il
y a une photo (sous le cd) qui est assez ambiguë n'avez-vous
pas peur d'une mauvaise interprétation ?
E.L. : Cette photographie
étant volontairement ambiguë, il n’existe par
définition ni mauvaise ni bonne interprétation.
Voyons, qui pourrait me reprocher de porter une certaine affection
à mon batteur et à mon bassiste ? Je voulais profiter
de cet artwork pour leur faire une déclaration solennelle,
voila tout.
A.D. : La musique est amour…
Mais, croyez-moi, on était en plein milieu de l’été
dans 15m2, j’avais la main dans les aisselles de ce fou
de E.L., qui transpirait. On en a vraiment bavé.
De quoi parlent les chansons de
votre album ?
E.L. : Avortement, difformités,
maladies dégénérescentes, vieillesse, mort,
sans oublier les grands classiques que sont la guerre, la violence,
les abattoirs, le cannibalisme, les maisons de retraite et les
fêtes foraines. En règle générale,
je recherche des sujets urbains et actuels, avec cette unique
question en tête : alors que toutes les limites artistiques
ont été repoussées à l’extrême,
quels sont encore les sujets capables de susciter un malaise ou
un sursaut de conscience chez nos auditeurs ? Je cherche les réponses
à cette question dans mes propres angoisses et obsessions.
Quelle est votre méthode
de composition ?
E.L. : Nous composons en répétition.
Je donne habituellement l’impulsion de base, en proposant
un riff ou une direction de travail. Puis chacun rajoute sa pierre
à l’édifice, notre complicité favorisant
cet échange. Il peut nous arriver d’improviser jusqu’à
ce qu’une idée émerge, nous n’hésitons
pas à revenir en arrière, à retourner nos
compositions dans tous les sens. Une fois la structure guitare/basse/batterie
achevée, nous enregistrons une pré-démo sur
laquelle nous greffons claviers, boucles et ambiances en prévision
de l’enregistrement définitif. Les textes et les
lignes de chant sont toujours déterminés en dernier
– de préférence, quelques jours avant de rentrer
en studio, ce qui a le don de me rendre anxieux, tyrannique et
parfaitement insupportable tout au long de l’enregistrement
du cd.
A.D. : Quant à moi, je «
quantize ».
Quels sont les groupes qui vous
influencent ?
E.L. : Pour ma part, je placerai
au premier rang de nos influences Type O Negative, pour leur anticonformisme
et leur sens particulier de la dérision, même si,
en dehors de l’esthétique sombre, nous ne cherchons
pas à plagier leur musique. Suivent de très près
Carnivore, Samael, Laibach, et Motörhead, pour la lourdeur,
l’expérimentation, l’agressivité, la
puissance, la virilité et la rock’n’roll attitude.
A.D. : Mon jeu est issu d’un
mélange de styles allant du jazz au thrash. Pour le metal,
j’adore Faith No More, Devin Townsend, Judas Priest, Testament.
J’apprécie également le mélange de
rythmes électroniques et acoustiques.
Avez-vous déjà fait
de la scène ?
E.L. : Nous avons tous déjà
fait de la scène, mais jamais sous le line up de Wormfood.
Nous nous refusions initialement à nous produire sur scène.
Mais, par la force des choses, nous allons être obligés
d’y revenir. C’est un pari très difficile,
car il faut mettre en place un système qui respecte le
plus fidèlement possible le contenu du disque, les boucles,
les claviers, les chœurs, les ambiances, etc. Si tout se
passe comme prévu, ce sera nécessairement visuel
et malsain.
Que pensez-vous de la scène
metal en France ?
E.L. : Je n’ai pas d’avis
sur la scène metal française en général,
il n’existe que des cas particuliers. Voici quelques groupes
que j’apprécie plus particulièrement pour
leur originalité ou la qualité de leurs compositions
: Carnival in Coal, Flying Pooh, Kunamaka, Luen-Ta, ou encore
Cesspit.
A.D. : Il existe incontestablement
une « fourmilière » de groupes metal underground,
parfois très jeunes, qui sont talentueux, mais qui resteront
malheureusement dans l’ombre à cause du système
Star Academy, qui gangrène le milieu du disque et le public.
Quels sont vos projets pour l'avenir
?
E.L. : Par dessus tout, j’espère
qu’un label nous permettra d’enregistrer la suite
de ce disque dans des conditions optimales. Nous avons dépensé
beaucoup d’énergie dans l’enregistrement et
la promotion de ce cd autoproduit, et je veux croire que la ténacité
paye nécessairement. Nous avons déjà acquis
une distribution sur les listes du label Kaly Productions, des
associations Underground Investigation et Minacia, ainsi que le
référencement au catalogue de la Fnac. Nous avons
également déposé notre candidature auprès
de Musicast (Virgin Megastore, Alapage), afin de mettre vraiment
toutes les chances de notre côté.
A.D. : Créer un nouveau disque
explorant plus profondément notre concept.
Que pensez-vous d'internet ?
E.L. : Totalement indispensable.
Internet a facilité considérablement la promotion
de notre disque, par le biais de notre site, des webzines... En
outre, Alexis et moi-même travaillons régulièrement
nos compositions par mails interposés, pour gagner du temps.
A.D. : Epatant pour les célibataires,
un paradis pour les « hackers », un ami pour les chômeurs,
bref, mon nouvel animal de compagnie.
Pouvez-vous nous donner votre
avis sur les fichiers mp3 et les copies de cd ?
E.L. : Le mp3 est un format audio
avantageux pour son rapport poids/qualité. La copie sur
cd est, de même, nettement plus pratique que la copie sur
cassette. Nous vivons à une époque de progrès
technique. C’était bien le sens de la question ?
A.D. : Tout à fait, Emmanuel.
D’ailleurs il faut que je te rende tes div… merde,
on nous écoute !
Et pour finir un mot pour mes lecteurs...
E.L. : Je crains qu’ils ne
soient déjà tous partis dès ma première
réponse…
A.D. : Si vous avez plus de 80 ans,
notre disque vous est offert ; pour les autres, n’hésitez
pas à le commander ou à nous laisser vos impressions
sur notre site.

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